
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 7, 2025 at 12:16 PM
*DEROGATIONS BUDGETAIRES AU NOM DE LA DEFENSE : UN NOUVEAU TEST POUR LE PACTE DE STABILITE*
En actionnant la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission européenne a laissé, le 4 juin, s’épanouir un vent de liberté budgétaire sur quinze capitales de l’Union. Dans l’ombre portée de la guerre en Ukraine, l’Europe réapprend le langage des arsenaux ; mais elle le conjugue à la syntaxe rigoureuse de ses traités, qui jusqu’ici pointillaient la dépense publique. Désormais, la boussole est double : maintenir la crédibilité financière du continent tout en édifiant, à marche forcée, un rempart défensif digne de l’orage géopolitique.
*LA CLAUSE DE SAUVEGARDE RÉACTIVÉE*
Depuis 2011, le Pacte autorise, en circonstances exceptionnelles, les États à s’écarter temporairement du sentier d’ajustement prévu par leurs programmes de stabilité ou de convergence. Le choc énergétique de 2020 puis l’invasion russe avaient déjà ouvert la brèche ; mais never, depuis Maastricht, la sécurité collective n’avait constitué un motif explicite de flexibilité. À présent, la dépense de défense rejoint le vocabulaire des « déficits justifiés », légitimant un surcroît d’emprunts pour moderniser aéronefs, drones, cyber-boucliers et munitions de longue portée.
*LA NOUVELLE RÉALITÉ STRATÉGIQUE EUROPÉENNE*
Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Finlande, Grèce, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie et les trois pays baltes trouvent dans cette clause la possibilité d’accélérer la transmutation de leurs armées, parfois à des niveaux d’investissement jamais observés depuis la fin de la guerre froide. Le pas franchi traduit une bascule historique : loin d’un simple complément à l’OTAN, l’Union entend bâtir un écosystème industriel coordonné, capable d’assurer la dissuasion et la résilience technologique sur l’ensemble de son territoire.
*LES ÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES EN QUESTION*
La générosité temporaire de Bruxelles ne dispense pas d’une comptabilité sévère. Chaque État devra démontrer que ses crédits supplémentaires se concentrent sur la défense, qu’ils s’éteindront une fois la cible atteinte, et qu’ils n’oblitéreront ni les réformes structurelles ni la trajectoire de réduction de la dette – objectif désormais indexé sur des règles rénovées en 2024 qui privilégient l’analyse de soutenabilité plutôt qu’un simple seuil chiffré. Le nouvel acte de foi communautaire consiste à croire qu’un euro de défense est aussi un euro d’autonomie stratégique, donc un gain collectif, sans pour autant transformer le Pacte en coquille vide.
*L’EXCEPTION ALLEMANDE*
Berlin, empêtré dans la préparation de son plan financier pluriannuel, n’a pas encore obtenu le sceau de la Commission. L’issue, attendue d’ici la fin juillet, dira si la première économie européenne rejoindra ses partenaires dans ce corridor budgétaire. La question allemande, par sa dimension symbolique et quantitative, pèsera sur l’expérience pilote : l’Union peut-elle, sans le concours plein et entier de son moteur économique, conduire l’effort d’armement qu’elle proclame indispensable ?
*QUELS RISQUES POUR L’AVENIR DES FINANCES PUBLIQUES ?*
L’histoire budgétaire rappelle qu’une soupape ouverte trop large peut gripper la machine de la discipline. Reste que l’investissement défensif engendre un effet multiplicateur industriel : relocalisation de chaînes d’approvisionnement, innovations duales, montée en gamme technologique. Si ces retombées stimulent la croissance potentielle, elles aideront à contenir le ratio dette/PIB, condition sine qua non pour que la clause demeure un instrument d’exception et non l’ordinaire de la politique fiscale.
*CONCLUSION*
Le Pacte de stabilité sort-il fragilisé ou renforcé ? En vérité, il se réinvente. À la logique purement comptable s’ajoute une lecture stratégique du risque, où le déficit toléré aujourd’hui s’apparente à une prime d’assurance pour la paix. L’Union s’aventure ainsi dans un équilibre subtil : prouver qu’elle peut, dans le même geste, protéger ses citoyens des bombes et des tempêtes financières. Le verdict appartiendra aux chiffres de demain ; mais déjà, l’Europe découvre que la sécurité, comme la monnaie, exige une confiance sans faille entre ses États et ses institutions. Cette confiance vaut, à elle seule, tous les blindages.
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