EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 8, 2025 at 02:09 PM
*NICE 2025 : LA MER À LA CROISÉE DES CHEMINS DIPLOMATIQUES ET ÉCOLOGIQUES* Au large de l’azur méditerranéen, la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan s’apprête à lever l’ancre à Nice, entre incertitude politique, urgence écologique et ambitions diplomatiques. Le monde marin, longtemps perçu comme l’horizon infini d’une liberté sans entrave, se révèle désormais comme le miroir d’une crise systémique. L’océan, régulateur climatique, réservoir de biodiversité, vivier alimentaire et théâtre d’échanges économiques mondialisés, subit les assauts conjugués de la cupidité humaine et du dérèglement planétaire. Lisbonne en 2022 avait nommé cette réalité : une "urgence océanique". Nice, en 2025, devra tenter d’y répondre. *UNE URGENCE PLANÉTAIRE PRISE EN ÉTAU PAR LES LIMITES DE LA GOUVERNANCE* Les atteintes à l’océan ne se comptent plus : acidification, réchauffement, pollution plastique, surpêche, effondrement des habitats, déversements pétroliers. Leur intensification s’accompagne d’une dilution des responsabilités dans une architecture juridique fragmentée. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les conventions sectorielles, les traités sur la biodiversité, les organismes régionaux de gestion des pêches : autant de cadres qui peinent à s’articuler. Les conférences UNOC, nées en 2017, sont venues pallier ce morcellement en tissant une trame de dialogue et de coopération autour de l’ODD 14. Mais ces forums, privés de pouvoir normatif, n’en sont que les échos, et non les instruments d’une volonté contraignante. *UN ÉLAN COLLECTIF ET UNE VITALITÉ MULTI-ACTEURS* New York en 2017, Lisbonne en 2022, et demain Nice : ces sommets ont permis de faire émerger une conscience océanique mondiale. Ils ont catalysé plus de 2 000 engagements volontaires, renforcé la visibilité de la question maritime dans les forums du G7, du G20 ou de la COP Climat, et favorisé une dynamique financière en faveur de l’économie bleue. La Banque mondiale avec ProBlue, la BEI, ORRAA, les obligations bleues, l’initiative de taxe carbone maritime à l’OMI : autant de signaux d’une mobilisation, encore éparse, mais croissante. L’UNOC s’est aussi imposée comme un lieu d’interface entre science et politique, en s’appuyant sur le GIEC, l’IPBES, l’UNESCO, et désormais, avec le One Ocean Science Congress, en tentant d’enraciner la décision politique dans la connaissance océanographique. *DES FRAGILITÉS QUI MINENT L’EFFICACITÉ DU PROCESSUS* Mais cet élan est contrarié. L’absence de mécanismes contraignants, l’absence de redevabilité institutionnalisée, l’inégalité des capacités technologiques entre États, l’éparpillement des normes, tout cela affaiblit la portée des engagements pris. La lutte contre la pêche illégale en offre une illustration brutale : certains États disposent de satellites et d’algorithmes de détection, d’autres de simples pirogues. La gouvernance océanique mondiale reste une construction imparfaite, exposée à l’inertie des intérêts économiques, au repli des souverainetés sectorielles, à la lenteur diplomatique. Les avancées scientifiques, aussi solides soient-elles, se heurtent encore trop souvent à des arbitrages mous, prudents, évasifs. *NICE 2025 : UNE ÉTAPE CHARNIÈRE ET DES ENJEUX MULTIPLES* Nice se présente comme un rendez-vous stratégique. D’abord pour relancer la dynamique de ratification du traité BBNJ, clef de voûte de la gouvernance des zones marines au-delà des juridictions nationales. Ensuite pour peser sur les négociations climatiques du transport maritime, sur le traité contre la pollution plastique, et sur le débat explosif de l’exploitation minière des grands fonds. L’attente est immense, car elle porte non seulement sur la validation d’accords en cours, mais aussi sur la possibilité de faire émerger un modèle de gouvernance unifié, inclusif et piloté par la science. *LA FRANCE EN QUÊTE D’UNE DIPLOMATIE MARITIME STRUCTURANTE* En tant que coorganisatrice avec le Costa Rica, la France entend jouer un rôle de vigie et de catalyseur. Forte de la deuxième ZEE mondiale, elle déploie un agenda ambitieux articulé autour de huit priorités : ratification du BBNJ, lutte contre la pêche illégale, promotion du 30×30, décarbonation du transport maritime, financement de l’économie bleue, négociation sur le plastique, actions locales sur le climat, et rôle central de la science. Le sommet "SOS Océan" des 30-31 mars 2025 à Paris en fut l’amorce. L’ambition affichée est de faire de l’océan non plus une exception réglementaire mais une norme de protection, et de porter une diplomatie bleue tissant des ponts entre Sud et Nord. *UNE CULTURE OCÉANIQUE À INVENTER* Mais ce leadership ne pourra se déployer que dans un cadre plus robuste, plus transparent, plus équitable. Il faudra inventer une culture océanique partagée, qui reconnaisse les savoirs traditionnels des communautés côtières et insulaires, qui fasse de l’océan un bien commun, et non un espace d’exploitation sans fin. Il faudra des mécanismes de suivi communs, une transparence sur les subventions à la pêche, une coordination entre les niveaux régional et global, une responsabilisation mutuelle, des transferts de technologies, des solidarités nouvelles. C’est tout cela, et bien plus encore, que doit incarner Nice 2025. *CONCLUSION* À l’heure où le monde se fracture, où les tensions géopolitiques se propagent sur les mers, où l’accélération écologique rattrape les lenteurs institutionnelles, l’océan apparaît comme un prisme des désordres du monde mais aussi comme un révélateur de notre capacité à réinventer la coopération internationale. Nice ne sera pas une fin en soi. Mais elle peut être le début d’un infléchissement, d’un pacte océanique renouvelé, où science, justice et responsabilité guideraient une nouvelle architecture du bien commun maritime. À condition de ne pas se contenter d’un exercice diplomatique, mais de faire de cette conférence un acte fondateur. Le sursaut est encore possible. #unoc2025 #oceangovernance #odd14 #diplomatiebleue #oneocean #euroscope https://buymeacoffee.com/euroscope

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