Mes Rubriques
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June 17, 2025 at 11:27 AM
Coup de Gueule : Le mariage, une porte de sortie de la misère ?Ah, le mariage ! Ce doux rêve, cette institution sacrée, ce conte de fées moderne où l'amour triomphe de tout… y compris, paraît-il, de la misère. On l'entend souvent, cette rengaine : « Marie-toi, tu seras à l'abri ! » Comme si l'alliance passée au doigt avait le pouvoir magique de faire disparaître les dettes, de remplir le frigo et de garantir un avenir radieux. Mais soyons clairs, et sans fard : cette vision idyllique du mariage comme bouée de sauvetage économique est, au mieux, une illusion dangereuse, au pire, un piège cynique pour celles et ceux qui peinent à joindre les deux bouts. Il est grand temps de démythifier cette idée reçue et de regarder la réalité en face : le mariage n'est pas une solution universelle à la pauvreté. Loin de là. Et dans certains cas, il peut même devenir un fardeau supplémentaire, une chaîne dorée qui entrave plus qu'elle ne libère.Les mirages financiers du mariage (et leurs limites)Certes, on nous brandit souvent les « avantages » financiers du mariage. La déclaration commune des revenus, le fameux quotient familial qui, sur le papier, peut alléger la facture fiscale. Le partage des charges, l'idée que deux salaires, ou même un salaire et un soutien, valent mieux qu'un pour payer le loyer, les factures, les courses. On nous vend l'image d'une accumulation de patrimoine facilitée, d'une sécurité financière accrue grâce à l'union des forces. Et pour certains couples, ceux qui partent déjà avec un certain capital social et économique, ces avantages peuvent être réels, optimisant une situation déjà confortable. Ils peuvent permettre de mieux gérer un budget, d'investir, de se projeter avec plus de sérénité.Mais arrêtons-nous un instant sur cette belle façade. Ces avantages, pour qui sont-ils réellement ? Sont-ils une bouée de sauvetage pour ceux qui se noient, ou un simple bonus pour ceux qui flottent déjà ? La vérité est que ces bénéfices fiscaux et économiques profitent avant tout aux couples déjà stables financièrement. Ils ne résolvent en rien les problèmes structurels de pauvreté. Le mariage, en soi, ne crée pas d'emplois, ne génère pas de revenus plus élevés, ne garantit pas une promotion. Il ne fait que redistribuer, ou mutualiser, des ressources existantes. Si ces ressources sont maigres au départ, le mariage ne fera pas de miracle. Il ne transformera pas un smic en salaire de cadre supérieur, ni un compte en banque vide en livret d'épargne bien garni. C'est une illusion dangereuse de croire que l'acte de se marier est une baguette magique qui efface les difficultés économiques. C'est ignorer la complexité des mécanismes de la pauvreté et la réalité de millions de foyers.Le mariage, un piège pour les plus vulnérablesEt c'est là que le tableau se noircit. Car pour les plus vulnérables, ceux qui sont déjà en marge, le mariage peut se transformer en un véritable piège. Pensons d'abord aux mariages précoces et forcés, fléaux mondiaux qui, loin d'être des solutions à la misère, en sont souvent les symptômes et les perpétuateurs. Dans de nombreuses régions du monde, des jeunes filles sont mariées de force, parfois à des hommes beaucoup plus âgés, sous prétexte d'alléger la charge financière de leur famille. Mais quel est le résultat ? Une perpétuation de la pauvreté, une entrave dramatique à l'éducation, à l'autonomie, à la santé. L'UNICEF et Plan International ne cessent de le dénoncer : ces mariages brisent des vies, enferment les femmes dans un cycle de dépendance et de privation, les empêchant de développer leur potentiel et de contribuer pleinement à la société. Le mariage, dans ce contexte, n'est pas une porte de sortie, mais une porte de prison.Mais même dans nos sociétés occidentales, où le mariage est censé être un choix libre et éclairé, les inégalités peuvent transformer cette union en une source de vulnérabilité accrue. Les statistiques de l'INSEE sont éloquentes : en cas de séparation ou de divorce, les femmes basculent plus souvent dans la pauvreté. Pourquoi ? Parce qu'elles sont encore trop souvent celles qui sacrifient leur carrière pour la famille, qui ont des salaires inférieurs, qui subissent des interruptions de carrière pour la maternité. Elles se retrouvent alors dépendantes financièrement de leur conjoint, et en cas de rupture, elles sont les premières à en payer le prix fort. Le mariage, qui devait être un rempart, devient alors un facteur de précarité. Il n'est pas rare de voir des femmes, après des années de mariage, se retrouver démunies, sans ressources propres, face à un système qui ne les protège pas suffisamment. La dépendance économique n'est pas de l'amour, c'est une forme de vulnérabilité.Dans ces cas, le mariage n'est pas un remède à la misère, mais un symptôme de celle-ci, ou pire, un mécanisme qui l'entretient. Il est une stratégie de survie, certes, mais une stratégie qui ne s'attaque pas aux racines du problème. Il ne s'agit pas de blâmer les individus qui, face à la précarité, cherchent des solutions, mais de dénoncer un système qui pousse à de telles extrémités et une vision simpliste qui ignore les réalités complexes de la pauvreté et des inégalités de genre.Les vraies clés de la sortie de la misèreAlors, si le mariage n'est pas la solution miracle, quelles sont les vraies clés pour sortir de la misère ? La réponse est complexe, multifactorielle, et elle ne tient pas dans une simple alliance. Elle réside d'abord et avant tout dans l'éducation et la formation. L'accès à des compétences, à des savoirs, est le premier levier pour améliorer l'employabilité, pour accéder à des métiers dignes et rémunérateurs. Une personne éduquée est une personne qui a plus de chances de s'émanciper économiquement, de briser le cycle de la pauvreté, et ce, qu'elle soit mariée ou non.Ensuite, il y a l'accès à l'emploi décent. Pas n'importe quel emploi, mais un emploi qui garantit un salaire juste, des conditions de travail dignes, une protection sociale. Un emploi qui permet de vivre, et non de survivre. C'est un enjeu majeur, qui dépasse largement la sphère individuelle et relève des politiques publiques et de la responsabilité des entreprises. Sans un marché du travail inclusif et équitable, le mariage ne sera jamais qu'un pansement sur une jambe de bois.Et parlons-en, des politiques sociales et économiques. Ce sont elles, et non le mariage, qui sont les véritables remparts contre la pauvreté. Des aides ciblées, une protection sociale solide, des mesures de lutte contre les inégalités, une fiscalité juste : voilà ce qui permet à une société de prendre soin de ses membres les plus fragiles. Le mariage ne peut pas se substituer à un État-providence défaillant ou à des politiques économiques qui creusent les écarts.Enfin, et c'est crucial, l'égalité des sexes. L'autonomisation des femmes, leur accès égal aux ressources, aux opportunités, à la prise de décision, est une condition sine qua non pour éradiquer la pauvreté. Quand les femmes sont libres de choisir leur destin, de travailler, d'étudier, de disposer de leurs corps et de leurs biens, c'est toute la société qui en bénéficie. Le mariage, dans ce contexte, doit être un choix, un partenariat basé sur le respect mutuel et l'égalité, et non une nécessité économique, une contrainte ou une échappatoire à la précarité. Revalorisons le mariage pour ce qu'il devrait être : une union d'amour et de partenariat, et non un contrat de survie.ConclusionAlors non, mille fois non ! Le mariage n'est pas la panacée, la solution miracle, la porte de sortie magique de la misère. C'est une fable dangereuse, une simplification abusive d'une réalité socio-économique complexe. Il est temps de cesser de colporter cette idée reçue qui, loin d'aider les plus démunis, les enferme parfois dans des situations encore plus précaires. La pauvreté est un problème systémique qui appelle des réponses systémiques : éducation, emploi décent, politiques sociales justes, égalité des sexes. Le mariage, lui, doit rester un choix personnel, une union d'amour et de partenariat, et non un calcul économique désespéré. C'est quand on aura compris cela que l'on pourra enfin s'attaquer aux vraies causes de la misère, et non à ses symptômes. Et que le mariage retrouvera sa juste place : celle d'un engagement choisi, et non d'une contrainte subie.

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