
Actualités Brûlantes du Sahel
June 15, 2025 at 11:39 AM
Mali
Un bateau ivre, voué à un naufrage certain et collectif ?
Le Mali se débat pour sa survie au cœur d'une violente houle. Et si c'était l'orage qui annonce la tempête ?
Toutes les nations peuvent vaciller, traverser des zones de turbulences, à un moment ou à un autre de leur parcours. Certaines d'entre elles, malgré tout, atteignent le rivage, tandis que d'autres, sont écrasées par le poids de leurs mensonges, des forfaitures morales, d'échecs politiques irréparables et de défaites militaires avilissantes.
Le Mali, aujourd'hui, fait piètre figure. Le pays a tout l'air d'un rameau qui se noie dans ses contradictions, coule, accroché à une bouée de sauvetage illusoire qu'est le souverainisme, pur et dur.
L'on se demande , s'il y a encore un capitaine qui tient le gouvernail ?
Le bateau Mali, prend eaux de tous côtés, se trouvant dans le creux de la vague, pris dans une marée haute. C'est tout feu, tout flammes, dans cette croisière périlleuse .
Il ne s'agit pas d'une clause de style ni d'une caricature grossière. La métaphore jette une lumière crue sur les dangers d'un voyage dans l'inconnu et un plongeon dans l'abîme.
Les premiers signes du naufrage général et collectif sont apparus, très tôt , comme un message prémonitoire. Souvenons-nous de la disparition du bateau " Tombouctou ", emporté en eaux profondes le 7 septembre 2023 par une attaque mémorable du JNIM sur le fleuve Niger, entre Banikane et Zahroy. Le navire emblématique de la COMANAV a essuyé des tirs nourris de trois roquettes. Il s'ensuivit un gigantesque incendie. Ensuite, l'on a entendu des hurlements, des cris stridents des passagers qui passaient de vie à trépas. Puis, l'horreur. De nombreux corps sans vie, entassés, les uns sur les autres ont été découverts. Une hécatombe inoubliable.
Un bilan funeste : 150 civils et 15 soldats ont été fauchés en une seule journée, entachée de sang.
Le drame n'était pas un acte isolé. Tout le Mali a été frappé en plein cœur. Un sentiment de deuil national a prévalu. Le fleuve n'a pas englouti qu'un moyen de transport en commun : il a emporté la mémoire, sapé l'unité et la paix tant rêvées. Ce que les flammes n'ont pas détruit, l'oubli s'en est chargé.
Le Mali, lui-même, n'est pas mieux loti que le " Tombouctou" : touché et pas très loin de couler, le pays tangue dans l'autoritarisme, est secoué par les vagues de l'insécurité et sabordé par ceux qui en tiennent le gouvernail.
Une junte sans cap, un Etat sans boussole
Depuis trois ans, des officiers putschistes ont pris les commandes du navire Mali , sans y être préparé ni avoir d'aptitudes à naviguer. Ils ne disposent pas de carte, de boussole pour avoir une orientation claire, fixer le cap, en toute confiance et sécurité. Alors, ils font des zigs zags, ne maîtrisant pas la direction du vent, incapables de prévoir les intempéries et de se prémunir contre les aléas du temps. L'on confond le besoin d'autorité pour tout Etat à la violence gratuite et à la brutalité inutile. L'on assimile le silence résigné à un consentement voire à une adhésion inconditionnelle. Une paix armée est considérée comme une stabilité recouvrée.
Au nom de la lutte contre le terrorisme et d'un défi sécuritaire ardu, l'on instaure une tyrannie aveugle : libertés muselées, partis politiques dissouts, presse bâillonnée. Le climat social est affecté : l'unité nationale est compromise, des communautés sont stigmatisées. Le contexte politique, s'est fortement dégradé : toutes les voix dissonnantes sont étouffées, des dissidents présumés traqués. Aucune initiative de dialogue ni volonté politique d'œuvrer à la décrispation et d'obtenir la paix sociale.
Par ailleurs, tous les ponts sont coupés avec les partenaires traditionnels et amis privilégiés.
Vendredi noir ou jour du double naufrage
Le vendredi 13 juin 2025, restera comme un jour sombre dans les annales de la tragédie malienne et de la lente agonie d'un Etat sous le joug militaire. Deux événements, à mille kilomètres, de distance, l'un de l'autre, révèlent l'ampleur de l'effondrement.
Au Nord, à Anoumelan, il a été enregistré une défaite militaire humiliante. Un convoi de 40 véhicules composé de FAMA et d'éléments de Africa corps, parti d"Anefis à destination d'Aguelhok, a été anéanti par les rebelles de l'Azawad.
A l'aide de mines, de roquettes, le FLA a pilonné ses ennemis. Des tirs croisés qui ont infligé de lourdes pertes humaines et matérielles à la junte au pouvoir : des soldats tués ou forcés de déserter. Ceux qui ont été faits prisonniers ont été soumis à des traitements dégradants. Des blindés saisis ou calcinés.
Les images de la débâcle militaire n'honorent pas les forces armées maliennes et témoignent du délitement de l'Etat du Mali et de la perdition de son appareil de défense et de sécurité.
Contrairement à la version édulcorée diffusée le 14 juin 2025 par l’État-Major Général des Armées maliennes, le Sukhoï-24 tombé à Gao n’a nullement effectué un “atterrissage forcé” dans le fleuve. Il a été clairement ciblé, touché et abattu en plein vol par une unité de défense antiaérienne du Front de Libération de l’Azawad (FLA) .
Sud Mali : des actes de sabotage économique et des exécutions sommaires à Narena
A 1300 km de Anoumelan, le JNIM a égorgé 7 chinois sur un site minier sis à Narena. Des engins ont été détruits, des dortoirs incendiés. Des employés maliens sont portés disparus.
Le message est on ne peut plus clair : l'Etat malien n'a plus de contrôle sur son territoire, n'a plus le pouvoir et l'autorité de protéger les personnes et leurs biens où que ce soit dans sa sphère de compétence. Les investisseurs tentés de venir dans le pays sont priés d'attendre. Ceux qui y sont installés déjà sont forcés de plier bagages.
En quelques heures, le Mali attaqué sur plusieurs fronts a perdu de nombreux citoyens, a été pillé, bref, l'image et la crédibilité du pays ont pris un sacré coup.
14 juin 2025 : la descente aux enfers continue
A peine remis des émotions de la cascade de malheurs qui le frappe, le Mali, est confronté à une nouvelle épreuve : le camp militaire de Diafarabé ( Mopti), est tombé dans les mains du JNIM aux premières clartés de l'aube. Le site a été vendalisé, un Sukhoï SU-25, s'est écrasé dans le fleuve. Une nouvelle fois, les FAMA ont été submergés.
L'épave immergée du SU-25, est l'image d'un Etat déliquescent dont même l'aviation n'est pas épargnée par le chaos ambiant.
Le Mali, ne fait plus face à des incidents isolés mais se retrouve confronté à un défi existentiel. Tous les signes cliniques d'un déclin national sont réunis :
- une armée, à l'article de la mort : bases perdues, arsenaux saisis, troupes épuisées, états majors erratiques
- instabilité politique et économique : l'or qui fait vivre l'Etat étant le poumon économique est dans le collimateur des djihadistes qui veulent en empêcher l'exploitation et la production à tout prix. Les investisseurs se sauvent, les recettes publiques fondent.
- L'étau se reserre autour de Bamako : koulikoro n'est plus une ceinture de sécurité mais une zone grise. La RN6 peut être coupée à tout moment.
- une crise humanitaire imminente : des centaines de milliers de déplacés, des centres d'accueil saturés
- Un isolement international croissant : plus d'aide budgétaire , rupture avec les partenaires, insolvabilité de l'Etat .
- En un seul mois 180 soldats tués, victimes des attaques.
Et, que fait la junte ?
Elle tente de sauver les apparences et d'entretenir de faux espoirs. Elle continue à proclamer des victoires imaginaires.
Elle flatte l'ego souverainiste et exalte la résilience nationale.
Les putschistes voudraient cacher le soleil avec leurs mains, et abreuver les populations de souverainisme afin de ne pas avoir de comptes à rendre pour toutes les bavures et les bevues. La junte parie sur la peur et la résignation des populations et l'indifférence de la communauté internationale comme moyens de survie et garanties d'impunité.
Le bateau " Tombouctou " a coulé. Celui du Mali, chavire et menace de couler. Il y a encore un maigre espoir d'éviter le naufrage, car jusqu'à la dernière minute, un miracle reste possible. Pourvu que ceux qui tiennent la barre se surpassent et prennent toute la mesure de la situation. A défaut, passer la main à ceux qui peuvent affronter des vents contraires et savent naviguer par mauvais temps.
L'histoire ne doit pas retenir qu'un Etat a coulé ni qu'un peuple s'est laissé couler par son silence complice et son apathie coupable.
De faux libérateurs et vrais prédateurs ne devraient pas brandir leurs étendards face à une majorité encore capable de reprendre en main son destin.
Le Mali touche le fond. Il ne doit pas avoir comme unique horizon que le désespoir et la ruine par la faute d'usurpateurs et d'imposteurs sans foi ni loi.
Samir Moussa

👍
🙏
2