
Actualités Brûlantes du Sahel
June 15, 2025 at 06:57 PM
À ton appel, Mali… mais la junte n’a rien entendu
Chronique d’un hymne trahi, d’une nation martyrisée et d’un peuple humilié .
« À ton appel, Mali » : ainsi commence l’hymne national, comme une promesse sacrée, un serment collectif scellé à l’encre de l’histoire et au feu des indépendances. Ces mots, gravés dans la mémoire du peuple, résonnaient autrefois comme une cloche de dignité, un cri d’espérance. Aujourd’hui, ils tombent dans le vide, comme une prière adressée à un ciel sourd. L’appel de la patrie ne trouve plus d’écho. Les colonels, retranchés derrière les murs épais de Kati, ont choisi de l’ignorer, de le détourner, de le trahir.
L’hymne chantait la prospérité comme un jardin à cultiver ensemble. Il ne reste plus qu’un champ de ruines, stérilisé par l’incompétence et la prédation. Il célébrait le destin du Mali, ce flambeau africain tendu vers l’avenir. Il n’en subsiste qu’une torche éteinte, portée par des hommes qui confondent pouvoir avec impunité. Il invoquait l’unité du peuple — une foi partagée, un but commun. Mais la junte a méthodiquement fracturé le tissu national, dressant les régions, les communautés et les classes sociales les unes contre les autres.
Le plus grand outrage, cependant, ne réside pas seulement dans les actes. Il réside dans cette dissonance absolue : chanter l’hymne tout en piétinant chaque valeur qu’il incarne. Se draper dans ses vers sublimes pour masquer l’horreur. Déclarer « nous sommes résolus de mourir » quand on a fui le front. Clamer « notre drapeau sera liberté » quand on a transformé la République en prison à ciel ouvert.
Face à ce détournement sacrilège, il revient au peuple malien de répondre. Non par des slogans, mais par une reconquête du sens. Car l’hymne n’est pas une relique pour les cérémonies : c’est une boussole. Et tant que ceux qui gouvernent continueront de la faire mentir, le vrai Mali, lui, continuera de se taire — ou de se préparer à parler plus fort.
Paroles de Seydou Badian Kouyaté. Trahison par les colonels. Silence de la nation.
I. À ton appel, Mali… mais personne n’a décroché à Kati
« À ton appel, Mali » : c’est ainsi que commence l’hymne national, dans une solennité vibrante, une promesse de loyauté, un engagement sacré. Mais depuis qu’une junte militaire s’est installée à la tête du pays, cet appel n’est plus qu’un écho noyé dans le vacarme des bottes, des blindés, des communiqués mensongers et des tambours de propagande. Le Mali appelle, mais les colonels ne répondent pas. Trop occupés à consolider leur pouvoir, à étouffer les critiques, à signer des contrats opaques, à nommer des proches, à se barricader dans leurs palais.
Ils ont laissé l’appel de la patrie sonner dans le vide, comme une sonnerie de téléphone qui agace, mais que l’on refuse de décrocher. Parce qu’ils savent qu’au bout du fil, ce n’est pas la gloire qui les attend, mais la vérité, nue, brutale, implacable.
II. La prospérité chantée est devenue un champ de ruines
L’hymne célébrait « la prospérité » comme un jardin d’espérance, une promesse de dignité. Mais sous la junte, cette promesse a été défigurée. Le jardin est désormais un terrain vague, brûlé par la misère, défiguré par l’incompétence, piétiné par la brutalité.
La faim ronge les campagnes, les écoles s’effondrent, les hôpitaux pleurent leurs médecins, et les jeunes fuient un pays qui les abandonne. Où est la prospérité chantée dans l’hymne ? Où sont les fruits promis par la terre nourricière ? Tout a été accaparé par une clique sans scrupules, qui a transformé l’État en une entreprise privée, dont les seuls actionnaires sont les membres de la junte .
Le peuple moissonne des larmes. Les colonels engrangent des per diem.
III. Le destin du Mali : de flambeau à torche éteinte
« Fidèle à ton destin », disait l’hymne. Mais quel destin ? Celui d’un pays qui s’enfonce dans la nuit, dirigé par des hommes qui confondent autorité avec brutalité, et souveraineté avec isolement ?
Le Mali fut jadis un phare panafricain, une nation respectée, écoutée, honorée. Aujourd’hui, il n’est plus qu’un spectre sur la carte de l’Afrique, une République fantôme gouvernée par des hommes qui fuient le front et se cachent derrière les murs de Kati.
Le destin du Mali, sous la junte, n’est ni grandeur ni honneur. C’est la peur, la répression, le mensonge, et la descente aux enfers.
IV. Une unité nationale dynamitée par les colonels
« Un peuple, un but, une foi » : ce triptyque sacré est aujourd’hui une ironie cruelle.
La junte a brisé l’unité nationale. En opposant les régions, en stigmatisant les communautés, en marginalisant les voix dissidentes venues du Nord, du Centre ou même du Sud, elle a planté dans le corps du pays les graines d’une désintégration silencieuse.
À défaut d’unir, elle divise. À défaut d’écouter, elle menace. À défaut de gouverner, elle accuse.
Les Maliens, autrefois liés par un idéal commun, vivent désormais dans la méfiance, le repli, et la peur de l’autre. Le tissu national a été lacéré, et les colonels, au lieu de le recoudre, dansent sur les déchirures.
V. « Nous sommes résolus de mourir » : eux sont résolus à fuir
Ce vers sublime, « Nous sommes résolus de mourir », était un serment, un engagement de sang. Mais il ne reste de cette promesse que le souvenir.
Les colonels ne sont pas résolus à mourir pour la patrie. Ils sont résolus à s’enrichir sur son dos, à vivre du Mali sans jamais se sacrifier pour lui.
Ils ont déserté les champs de bataille, abandonné les avant-postes, fui les localités attaquées, et renvoyé les soldats mal équipés au casse-pipe pendant qu’ils négociaient des marchés d’armement surfacturés dans des salons climatisés.
À Niono, Boulkessi, Kidal, Naréna, les jeunes tombent. À Bamako, les galons s’accumulent. Le peuple enterre ses fils pendant que la junte intronise les siens.
VI. Notre drapeau n’est plus liberté, mais linceul
« Notre drapeau sera liberté », dit l’hymne. Mais aujourd’hui, ce drapeau est couvert de sang, souillé par les exécutions sommaires, les emprisonnements arbitraires, les disparitions forcées.
La liberté n’existe plus : ni de la presse, ni d’opinion, ni d’association. Ceux qui parlent sont arrêtés. Ceux qui manifestent sont battus. Ceux qui critiquent sont réduits au silence.
Les libertés fondamentales ont été remplacées par la surveillance, la censure, la terreur. Le drapeau malien, au lieu de flotter fièrement, est traîné dans la boue par ceux qui se prétendent ses défenseurs.
VII. « Pour l’Afrique et pour toi, Mali » : l’Afrique trahie, le Mali vendu
L’hymne faisait du Mali le fils fidèle de l’Afrique. Mais la junte a trahi la mère nourricière pour les bras glacés de Wagner.
Au lieu de défendre l’Afrique, elle a livré le Mali à des mercenaires sans foi ni loi, à des intérêts étrangers qui pillent les ressources pendant que les enfants maliens meurent de faim.
Ce n’est pas la souveraineté que la junte a restaurée : c’est un asservissement grimé en patriotisme. Une souveraineté d’apparat, achetée au prix de l’indignité.
VIII. Debout, villes et campagnes ! Il est temps de marcher devant l’Histoire
L’hymne ne s’achève pas dans la plainte, mais dans l’appel :
« Debout, villes et campagnes ! Debout, femmes, jeunes et vieux ! »
Le moment est venu d’écouter cet appel. De se lever. De marcher. De briser le silence. Car le peuple malien mérite mieux qu’un régime de peur. Il mérite mieux qu’une parodie de souveraineté. Il mérite la justice, l’école, la santé, la paix, la vérité. Il mérite de redevenir l’auteur de son destin.
Ce peuple, cloué au sol, saura se redresser. Ce peuple, dont les ailes ont été brisées, saura à nouveau voler. Et ce jour-là, il ne chantera plus pour les galonnés. Il chantera pour lui-même. Et il réclamera des comptes à ceux qui l’ont trahi.
Seydou Badian Kouyaté doit se retourner dans sa tombe
L’homme qui écrivit ces vers portait un rêve dans sa plume. Un rêve d’unité, de grandeur, de sacrifice. Il croyait que le Mali serait digne de ses enfants, et que ses enfants seraient dignes du Mali.
Mais aujourd’hui, ce rêve est piétiné, sali, moqué.
Seydou Badian ne reconnaîtrait plus son pays. Son hymne a été transformé en incantation hypocrite par ceux qui n’y croient pas.
Car le plus grand blasphème n’est pas de ne pas chanter l’hymne.
C’est de le chanter en trahissant tout ce qu’il incarne.
À ton appel, Mali…
Ce n’est plus la junte qui répondra.
C’est ton peuple.
Et cette fois, il ne chantera pas pour se soumettre.
Il chantera pour se libérer.
Samir Moussa

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